Le Conseil Québécois du Commerce de Détail (CQCD) a lancé en juin 2016 un projet pilote qui visait l’intégration du développement durable chez les détaillants. Ce projet, rendu possible grâce au financement du Fonds d’Action Québécois en Développement Durable, à la collaboration financière du ministère de l’Économie, de la Science et de l’Innovation (MESI) et à l’expertise de Chamard stratégies environnementales, a été mené sur une période de 20 mois. Avec l’objectif d’accompagner 25 magasins de 5 bannières québécoises du commerce de détail (provenant de sous-secteurs du détail différents) dans la mise en place de pratiques en développement durable, ce projet volontaire s’est terminé en décembre 2017. Celui-ci touchait plusieurs thèmes, notamment l’énergie, l’éclairage, la gestion de l’eau, le transport, la gestion des matières résiduelles, l’approvisionnement et la gestion des stocks, l’engagement des employés, les politiques internes et l’implication sociale.
Suite à plusieurs recherches, force est de constater un manque d’études sur la place du développement durable dans le secteur du commerce du détail. Ainsi, très peu d’information était disponible à ce sujet. L’initiative du CQCD était donc l’occasion idéale pour permettre de documenter ce sujet, et ce, dans la réalité de cet important secteur d’activité au Québec.
Ainsi, les experts de Chamard stratégies environnementales ont réalisé des diagnostics, proposé des plans d’action et accompagné chacun des 25 magasins ciblés dans la mise en place d’actions pérennes.
Des résultats remarquables
Grâce à une approche personnalisée, comprenant des visites sur place et des rencontres avec les intervenants concernés, plus de 61 actions ont été mises en place dans le cadre du projet. Les thématiques présentant le plus d’actions implantées ont été l’énergie, la gestion de l’eau, l’éclairage et la gestion des matières résiduelles. Les deux dernières thématiques se sont avérées les plus populaires avec plus du tiers des actions mises en place dans tout le projet.
Plusieurs actions ont été implantées à coût nul et d’autres ont nécessité des investissements plus importants, mais toutes ont attesté leur faisabilité. Le projet a donc démontré la possibilité d’implanter des pratiques en développement durable dans les commerces de détail sans un investissement important ou même, avec des retombées importantes. Les participants ont apprécié la démarche, et ce, malgré le temps très limité qu’ils pouvaient y consacrer.
Au final, il est très encourageant d’obtenir enfin des preuves que des actions en développement durable peuvent être implantées dans notre secteur d’activité, et ce, sans y laisser sa peau! Toutefois, l’une des grandes conclusions du projet, faute d’expertise dans ce domaine au sein de plusieurs détaillants, est que les entreprises dans le secteur du commerce de détail ont besoin d’un accompagnement externe pour y arriver, et ce, sans les budgets associés. Pour le futur, il faudrait envisager le développement d’un programme à plus grand déploiement, comprenant une offre de service adaptée au secteur, le tout appuyé par les gouvernements.
Nous vous proposons donc de découvrir quatre initiatives intéressantes mises en place par les participants de cette étude. D’ailleurs, il est à noter que La Vie en Rose a aussi participé à l’étude, mais que malgré beaucoup d’efforts et d’autres priorités, l’entreprise n’a pu implanter de nouvelles pratiques en développement durable dans le temps imparti par le projet pilote.
Groupe BMR
Le Groupe BMR, affilié à la Coop fédérée, a mis en place dans plusieurs magasins un système d’étiquetage électronique en remplacement des classiques étiquettes en papier. Cette technologie (loin d’être récente, mais largement éprouvée en termes de flexibilité d’utilisation) consiste à installer de petits écrans d’affichage en lieu et place des traditionnelles étiquettes en papier (voir photo). Les avantages opérationnels sont, indiscutables puisque la mise à jour des prix, tâche qui occupe en moyenne 6 jours par mois pour un salarié, se fait de façon automatique, limitant ainsi le risque d’erreur. Autre avantage, ce système évite d’avoir à réimprimer les étiquettes des produits à chaque changement de prix. Par exemple, le magasin Ostiguy et Frères à Chambly a remplacé ses 17 000 étiquettes papier par autant d’étiquettes électroniques. Sur un an, ce sont environ 1 400 feuilles d’étiquettes (12 étiquettes par feuilles) qui n’ont plus besoin d’être imprimées lors de chaque changement de prix. Comme il y a en moyenne 7 changements de prix par année, ce sont un peu moins de 10 000 pages d’étiquettes qui sont économisées, et cela sans tenir compte des erreurs qui nécessitent une réimpression. Un gain important pour les commerçants, et ce, sans compter le temps sauvé en main d’œuvre.
L’entreprise DeSerres
DeSerres a rapidement pris part au projet pilote en faisant preuve de beaucoup de proactivité. En effet, dès les premières semaines, l’entreprise a désigné un responsable environnement au sein du siège social et intégré le développement durable comme un sujet important de leur comité santé et sécurité. Loin de révolutionner le secteur, force est de constater qu’une initiative aussi simple a permis de formaliser cette démarche dans l’entreprise et de la faire connaitre à l’ensemble des employés. Point de départ vers des changements de pratiques, ancrage d’une nouvelle philosophie d’entreprise, l’intégration et l’animation d’un comité dédié aux enjeux environnementaux démontrent un engagement fort, autant de l’équipe dirigeante que des employés pour indiquer leur volonté de réviser leurs pratiques. De plus, afin de formaliser l’engagement de l’entreprise, une politique de développement durable a été rédigée et entérinée par la direction. L’ensemble de ses décisions stratégiques a permis à DeSerres de mettre en place plus de 25 nouvelles pratiques de développement durable dans le cadre du projet pilote du CQCD. Des actions pour réduire l’empreinte environnementale du groupe ont été mises en place sur les aspects de l’éclairage, l’énergie, la gestion de l’eau, la gestion des matières résiduelles, le transport, l’approvisionnement responsable. Les aspects sociaux n’ont pas été négligés avec des engagements forts pour les employés.
Les magasins Korvette
Que ce soit par soucis pour l’environnement ou pour des raisons économiques, le «relampage» des surfaces de vente est une pratique de plus en plus répandue. En effet, la baisse de prix des ampoules écoénergétiques permet un retour sur investissement plus rapide et facilite l’accès à des équipements à faible consommation énergétique. En règle générale, les dépenses allouées à la consommation d’électricité dans une entreprise représentent une part importante de son budget. Dans le cas des magasins Korvette, l’éclairage permanent des magasins ciblés par le projet, ouvert 24h sur 24 pour permettre un accès sécuritaire aux employés entre les heures d’ouverture, a été complètement révisé. Équipé initialement de tubes T8 (32W) par magasin, le tout a été remplacé par des tubes T8 DEL (15W). La consommation estimée s’en trouve divisée par deux. Des efforts identiques ont été réalisés dans au moins 3 autres magasins où un « relampage » partiel, voire total, a été également réalisé.
Groupe Jean Coutu
Dans le cadre du projet, le Groupe Jean Coutu s’est, entre autres, engagé à réduire sa consommation de papier d’impression.
En raison de la règlementation en vigueur en pharmacie, les documents papier remis à la clientèle du laboratoire pharmaceutique ne peuvent malheureusement pas être éliminés. En revanche, les employés et les gérants peuvent utiliser une version numérique plutôt que papier dans plusieurs autres situations. Le Groupe Jean Coutu a ainsi offert aux gérants de s’équiper de tablettes numériques pour visualiser certains documents tels que les bottins de ventes hebdomadaires (environ 100 pages) et les planogrammes (en moyenne cinq pages) envoyés environ deux fois par semaine. Les succursales n’ayant pas de tablette numérique peuvent consulter les documents par ordinateur et décider si l’impression est pertinente ou non.
Dans le même esprit, un portail numérique a été créé pour permettre aux employés et gérants de consulter des documents comme les mémos, guides de références, etc.
À propos du relampage
Lors d’un relampage, une expertise externe est recommandée. En effet, la technologie DEL étant en évolution, il est possible de ne pas trouver immédiatement le produit le plus adapté à ses besoins. Un technicien sera en mesure de vous conseiller adéquatement sur le type d’éclairage à installer. Par exemple, il est recommandé d’éviter d’installer des ampoules fluocompactes dans des pièces non éclairées en permanence, car ces ampoules sont très sensibles au nombre d’allumage et d’extinction ou à la présence d’un variateur qui vont affecter leur durée de vie. À l’inverse, ce type d’éclairage peut contribuer à réduire la consommation électrique d’un espace de vente de façon significative sans nécessiter l’investissement monétaire que demanderait normalement l’achat d’ampoules DEL. D’ailleurs, selon certains gérants rencontrés dans le cadre du projet, le dégagement de chaleur des ampoules DEL est sous-estimé, car il peut poser certains problèmes lorsque l’éclairage est trop proche des produits sensibles à la chaleur. Il est judicieux de faire des tests pour évaluer l’impact de l’éclairage sur les produits à mettre en valeur.
Un projet porteur pour l’avenir
L’ensemble du projet pilote a permis d’évaluer la faisabilité de plus de 300 pratiques en lien avec le développement durable et plus d’une soixantaine ont été mises en place et testées par les partenaires. Les résultats sont probants et porteurs pour l’avenir, car de nombreuses actions se sont révélées faciles à mettre en place tandis que d’autres présentent un retour sur investissement rapide. Il était donc logique pour le CQCD de développer un outil d’autodiagnostic pour permettre au plus grand nombre de commerçants de profiter des recherches et des tests réalisés pendant les deux dernières années. Cet outil, qui sera bientôt disponible auprès du CQCD, permet aux commerçants n’ayant pas participé au projet et souhaitant entreprendre une démarche similaire de le faire. Cet outil, qui se veut le plus intuitif et simple possible, permet donc de réaliser un audit interne qui identifiera des pistes d’amélioration portant sur 10 thèmes liés au développement durable, dont : l’énergie, l’éclairage, le CVAC[1], le transport, la gestion de l’eau, la gestion des matières résiduelles, l’approvisionnement et la gestion des stocks, la gestion des contaminants, les politiques internes et l’implication sociale.
Il est fortement recommandé de réaliser cet audit avec le soutien d’une équipe multidisciplinaire composée de représentants de plusieurs secteurs de l’entreprise pour dresser un portrait réaliste de la situation. De plus, comme indiqué précédemment, il sera probablement nécessaire de faire appel à des techniciens spécialisés qui pourront faire des recommandations ou valider certaines décisions techniques prises par l’équipe de travail. Avec les résultats de cet ambitieux projet pilote et l’outil d’autodiagnostic développé par Chamard pour le CQCD, le secteur du commerce du détail au Québec a maintenant à sa disposition une référence pour prendre le virage du développement durable!
[1] CVAC : Chauffage, ventilation et climatisation