Les frais transactionnels de cartes de crédit, un enjeu important pour le secteur du commerce de détail

Le Conseil québécois du commerce de détail (CQCD) réclame depuis de nombreuses années la réglementation des frais d’interchange de cartes de crédit au Canada, qui, rappelons-le, sont parmi les plus élevés au monde.

Les frais d’interchange de cartes de crédit : un peu de contexte

L’explosion, puis la stabilisation du commerce en ligne coordonnées à l’utilisation des cartes de paiements comme la carte de crédit mettent une pression énorme sur les détaillants. Rappelons que l’utilisation des cartes de paiements, particulièrement la carte de crédit, n’est pas gratuite. Des frais, les frais d’interchange, sont facturés au détaillant pour l’utilisation de ces services. Généralement, ces frais représentent un pourcentage de la valeur de la transaction. Il s’agit en fait d’une « taxe » privée déguisée qui pénalise les détaillants et leurs clients. Il serait naïf de croire que ces frais n’ont pas d’influence sur les prix des marchandises vendues en magasin, car ces frais s’ajoutent sur les coûts d’opération du détaillant. Dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, il s’agit d’une autre pression à la hausse des prix chargés dans le commerce de détail réduisant d’autant la compétitivité des détaillants au Québec.

Si ces frais existent pour la carte de débit, ils sont plafonnés et parmi les plus bas au monde. C’est tout le contraire pour les frais des cartes de crédit : pour ceux-ci, le Canada partage malheureusement les plus hautes marches du podium. Les données suivantes sont compilées par la Fed de Kansas City aux États-Unis. À près de 1 % pour les cartes « de base » et à 2 % des cartes « premium », ces frais sont substantiels pour les détaillants. La situation est pire pour le commerce électronique.

Frais d'interchanges cartes de crédit - canada
Frais de cartes de crédit - eCommerce

Les frais d’interchange : un enjeu de compétitivité

Le CQCD croit toujours urgent que le gouvernement fédéral limite les frais de transaction par carte de crédit pour permettre aux détaillants de réduire leurs coûts et participer à une reprise forte. Le taux moyen, qui est passé à 1,4 % au Canada en mai 2020, devrait sans attendre être réduit près du niveau européen, soit 0,5 %. Limiter les frais de transaction des cartes de crédit à un taux maximal de 0,5 % fait d’ailleurs partie de l’une des deux recommandations que le CQCD a émises lors du dépôt de son mémoire pour les consultations prébudgétaires en prévision du budget fédéral 2022-2023.

Les frais d’interchange : un enjeu social

Les émetteurs de cartes de crédit ne manquent pas d’originalité pour lancer de nouvelles cartes « Élite ou Privilège » dont le taux est le double parfois de celles dites « de base ». Les frais des cartes de base servent, selon notre analyse, à financer les avantages que les cartes élites offrent à leurs clients.

Il s’agit d’un transfert d’avantages de clients ayant moins de moyens vers une clientèle étant plus aisée.

De plus, les frais d’interchange sont même facturés sur les transactions qui concernent les dons et commandites, pénalisant aussi les organismes de charité. Ces ponctions cachées sont faites au détriment de causes sociales nécessaires.

Le CQCD croit que le gouvernement devrait plutôt favoriser le principe de l’utilisateur-payeur et la transparence des frais associés à ces programmes. L’Union européenne estime que le plafond a fait épargner plus de 1,5 milliard d’Euros aux clients depuis que celui-ci est en place. En lien avec les enjeux soulevés ici, le CQCD a émis deux demandes dans le cadre des dernières consultations en prévision du budget 2022-2023 du gouvernement fédéral.

  • Recommandation 1 : Obliger les émetteurs de cartes de crédit à réduire les frais d’interchange à une moyenne maximale de 0,5 %.
  • Recommandation 2 : Éliminer les frais prélevés aux commerçants sur le montant de TPS/TVH lors de transactions faites par carte de crédit.

Nous avons également demandé au gouvernement du Québec de soutenir notre demande auprès du gouvernement fédéral afin de réglementer les frais d’interchange, et que ces deux recommandations soient appliquées. Vous pouvez consulter nos deux mémoires déposés dans le cadre des consultations prébudgétaires fédérales et provinciales pour l’année 2022.

Des exemples à suivre : L’Union européenne et l’Australie

À la suite de plusieurs années de tergiversations, l’Union européenne a imposé en 2015, un règlement qui plafonne les commissions d’interchange à 0,3 % pour les cartes de crédit des consommateurs. S’agissant des cartes de crédit des consommateurs, ce règlement permet également aux pays de l’Union de définir des plafonds inférieurs à 0,3 %; En ce qui concerne les commerçants, cela accroît la transparence sur le niveau de commissions payées, ce qui leur permet de sélectionner plus facilement les cartes de crédit à accepter. En Australie, l’État a plafonné ces frais d’interchanges à 0,5% de la valeur des transactions.

Facturer des frais supplémentaires aux consommateurs sur certaines transactions par carte de crédit au Canada

À la suite du règlement d’un recours collectif contre des cartes de crédit, Visa et Mastercard autorisent désormais les PME au Canada à facturer des frais supplémentaires sur certaines transactions par carte de crédit depuis le 6 octobre 2022 afin qu’elles puissent compenser leurs frais. Par contre, cela n’est pas possible au Québec, car la Loi sur la protection du consommateur interdit cette pratique.

Énoncé économique de l’automne 2022 : réduire les coûts de transaction des cartes de crédit pour les petites entreprises

Lors de l’Énoncé économique de l’automne de 2022, le gouvernement fédéral a annoncé une mesure en particulier qui touche les détaillants, relative à la réduction des frais d’interchanges des cartes de crédit.

Celui-ci a indiqué qu’il allait négocier avec le secteur des cartes de paiement et les entreprises afin de réduire les coûts de transaction de cartes de crédit pour les petites entreprises « sans nuire aux autres entreprises » et « en protégeant les points de récompense existants pour les consommateurs ».

L’énoncé stipule que si l’industrie ne parvient pas à une solution convenue au cours des prochains mois, le gouvernement présentera ces projets de propositions législatives en 2023 et donnera suite à la réglementation des frais de transaction des cartes de paiement.

Le Conseil québécois du commerce de détail (CQCD) suivra ce dossier de très prés et poursuivra ses efforts de représentations afin de faire avancer rapidement ce dossier d’une importance cruciale pour l’ensemble des commerçants au Québec et au Canada.