Commerce de détail
Développement durable et transition écologique
Économie circulaire
27 septembre 2025

L’urgence de la nouvelle signification du développement durable dans le commerce de détail

Par

Alina Ali Rawji

Alina Ali Rawji

Alina Ali Rawji est une jeune professionnelle qui s’intéresse tout particulièrement à la rencontre entre le design et l’entreprise, utilisant la créativité pour résoudre des problèmes et les étudier sous de nouveaux angles. Détentrice d’une maîtrise en gestion du commerce de détail (École Bensadoun de commerce au détail, Université McGill) et d’un baccalauréat en administration des affaires en design stratégique et en gestion (Parsons School of Design), elle explore comment les principes inspirés de la nature comme le biomimétisme et la pensée circulaire peuvent favoriser l’innovation durable.

Le CQCD vous présente la 2e édition du Point de vue de la relève, une série de 4 articles rédigés par un·e étudiant·e de l’École Bensadoun de commerce au détail de l’Université McGill.

À travers cette série, vous aurez la chance de découvrir les idées et les perspectives de ceux et celles qui façonnent le commerce de détail de demain. Aujourd’hui, nous vous invitons à découvrir le point de vue d’Alina Rawji!

Biographie

Alina Ali Rawji

Alina Ali Rawji est une jeune professionnelle qui s’intéresse tout particulièrement à la rencontre entre le design et l’entreprise, utilisant la créativité pour résoudre des problèmes et les étudier sous de nouveaux angles. Détentrice d’une maîtrise en gestion du commerce de détail (École Bensadoun de commerce au détail, Université McGill) et d’un baccalauréat en administration des affaires en design stratégique et en gestion (Parsons School of Design), elle explore comment les principes inspirés de la nature comme le biomimétisme et la pensée circulaire peuvent favoriser l’innovation durable.

Forte de ses connaissances en conception créative, prévision des tendances, développement de produits et en stratégie marketing, Alina privilégie une approche globale et interdisciplinaire. Son expérience intersectorielle, de la mode à la décoration d’intérieur en passant par le conseil aux entreprises, alimente sa volonté d’aider les commerces de détail à devenir plus responsables, résilients et tournés vers l’avenir, tout en restant dynamiques et en repoussant les limites de la créativité.

L’urgence de la nouvelle signification du développement durable dans le commerce de détail

Dans le paysage commercial actuel, le « développement durable » est devenu un terme à la mode, mais s’agit-il simplement d’une tendance ou exigence fondamentale dans le monde des affaires? Peut-être que la réponse réside dans l’adoption de la sagesse de la nature, où l’efficacité et la durabilité ne sont pas des objectifs à atteindre, au contraire, ce sont des principes de conception inhérents.

À travers le temps, la nature a été la plus grande source d’inspiration de l’humanité, un concept connu sous le nom de biomimétisme. Pensez à la courbe d’une aile d’avion, qui reproduit le vol sans effort des oiseaux ; à l’adhérence du Velcro, qui imite les crochets ingénieux de la bardane; ou à l’efficacité optimisée des pales d’éoliennes, sculptées d’après les nageoires hydrodynamiques des baleines. Nous nous inspirons aussi déjà des fourmis et des abeilles pour en savoir plus sur les structures organisationnelles efficaces et le travail collaboratif. Quels sont les secrets cachés des forêts, des récifs de corail ou des écosystèmes désertiques pouvant nous inspirer à révolutionner les pratiques durables de nos entreprises?

La nature fonctionne tel un système en circuit fermé : il s’agit d’un cycle continu de régénération, de renouvellement et d’interconnexion. Rien ne se perd. En revanche, nos modèles d’affaires sont souvent obstinément linéaires : nous prenons, fabriquons et jetons. Ce décalage important soulève une question cruciale : pourquoi nos entreprises ne sont-elles pas aussi circulaires que le monde dans lequel elles opèrent?

Il est de plus en plus clair qu’ignorer le cycle de la nature entraîne des conséquences. Au Canada, les changements climatiques ont déjà des effets sur la vente au détail : les hivers plus chauds et imprévisibles ont poussé des marques comme Sports Experts, Kanuk et Maguire à repenser leurs stratégies saisonnières et à se tourner vers des produits plus légers et multisaisons. Par exemple, pour Canada Goose, les températures inhabituellement chaudes en 2024 ont retardé le début de la saison d’achat de parkas. Ces changements révèlent un risque commercial croissant, que les modèles linéaires ont du mal à absorber. Les systèmes circulaires possèdent une capacité d’adaptation, de réduction des déchets et de résilience opérationnelle leur permettant de prospérer malgré un climat de plus en plus imprévisible.

Le développement durable est souvent considéré comme un défi coûteux, qu’il s’agisse des pressions liées à la conformité ou des investissements nécessaires au niveau de l’approvisionnement, du développement de produits et des opérations. Or, en s’inspirant des principes de circularité présents dans la nature, les détaillant·es peuvent transformer leur transition écologique en une opportunité d’affaires stratégique. Même si elle ne réduit pas immédiatement les coûts, l’adoption de principes durables peut créer de la valeur à long terme en favorisant la résilience, en ouvrant de nouveaux marchés et en aidant les entreprises à s’adapter plus rapidement aux nouvelles réglementations en matière de durabilité.

Comme les organismes vivants, les commerces de détail existent au sein de systèmes complexes et évolutifs qui sont dynamiques, mouvants et ont un impact sur la nature. Tout comme nous adaptons nos habitudes pour rester en bonne santé, les entreprises de vente au détail sont forcées d’évoluer en fonction des marchés, des technologies et des nouvelles réalités environnementales. Selon moi, la durabilité devrait être si profondément ancrée dans le mode de fonctionnement de nos entreprises qu’elle devrait tout simplement faire partie de leur identité sans qu’il soit nécessaire d’en faire la publicité.

Le paradoxe du développement durable : comment assurer l’équilibre entre croissance et responsabilité éthique?

Le modèle traditionnel du commerce de détail a longtemps suivi l’adage qui dit : « Vendre plus, gagner plus ». Le développement durable va à l’encontre de cette façon de penser et prône plutôt l’énoncé suivant : « Acheter mieux, acheter moins ». Est-il possible de trouver un équilibre entre ces deux visions?

Voici quelques idées concrètes pour les commerces :

Innovation de service

Passer des produits tangibles aux services à valeur ajoutée

Le développement durable ne se limite pas qu’à la façon dont les produits sont fabriqués – il englobe aussi la façon dont une marque interagit avec sa clientèle. Les détaillant·es peuvent redéfinir leur offre en proposant des services à valeur ajoutée qui renforcent la fidélité et prolongent l’engagement des consommateur·trices au-delà de la vente initiale.

Il est, par exemple, possible de repenser l’expérience de ramassage en magasin en offrant des ajouts adaptés ou des compléments personnalisés. Les marques de mode et d’habillement pourraient organiser des ateliers créatifs de couture dans lesquels les retailles de tissu sont revalorisées. De même, les marques de produits de beauté pourraient offrir des analyses de la peau personnalisées, tandis que les détaillant·es de meubles pourraient offrir des conseils virtuels en matière de design ou encore des séances collaboratives de conception. Ces services complémentaires permettraient de compenser le manque à gagner créé par la philosophie « acheter moins, acheter mieux ».

Beaucoup de marques misent sur l’acte d’achat, mais oublient que la fidélité s’acquiert également après la vente. En développant une nouvelle offre de services, les commerces québécois peuvent favoriser les pratiques durables et se démarquer grâce à des expériences de marque mémorables.

Modèles circulaires

Instaurer des programmes de location, de location-vente ou de réparation

Dans la nature, chaque ressource est réutilisée ou réaffectée pour soutenir notre écosystème. Les détaillant·es peuvent appliquer le même principe en adoptant des modèles circulaires qui prolongent le cycle de vie de leurs produits et offrent des alternatives à « l’achat » tel qu’il est traditionnellement conçu.

Les marques de mobilier, de mode et d’équipement de plein air, par exemple, peuvent mettre en place des programmes de location, de location-vente ou de rachat, et offrir des services de réparation. Le détaillant de produits de plein air La Cordée, par exemple, propose déjà des services d’entretien de vélos et de skis, ce qui aide la clientèle à prolonger la durée de vie de leur équipement.

Les stratégies circulaires comme l’adhésion à un service de réparation, le rachat de produits ou l’offre de produits remis à neuf permettent non seulement de réduire les déchets, mais aussi d’obtenir de nouvelles sources de revenus, de renforcer la fidélité de la clientèle et de préparer les entreprises à un avenir où une plus grande responsabilité des fabricants deviendra la norme. Le développement durable ne signifie pas qu’il faille sacrifier la croissance, mais qu’il faut revoir nos modèles d’affaires dès maintenant.

Écoconception

Repenser la conception pour des produits plus durables

La nature est symbole de régénération et de longévité. Les entreprises peuvent s’en inspirer lors de la conception de leurs produits.

Les emballages biodégradables reflètent le cycle de la nature, car ils se décomposent en matière organique pour enrichir la terre et favoriser une nouvelle croissance. Les Épiceries LOCO fonctionnent bien en n’utilisant aucun emballage, et servent ainsi d’exemple aux épiceries qui y ont encore recours. De tels magasins pourraient se tourner vers les emballages biodégradables à base de plantes qui se décomposent naturellement ou se dissolvent dans l’eau.

Produits modulaires : construits pour être facilement réparés, améliorés ou démontés en vue d’être réutilisés, ils prolongent leur durée de vie et réduisent les déchets. Par exemple, les canapés modulaires de marque Cozey l’illustrent bien : leurs sections sont interchangeables et extensibles, ce qui permet à la clientèle d’assembler, de reconfigurer ou d’ajouter de nouvelles pièces selon l’évolution de leurs besoins ou de pouvoir remplacer seulement une section endommagée, plutôt que d’avoir à tout remplacer.

Si le développement durable est réellement une valeur pour l’entreprise, il doit être intégré à chaque étape de la conception d’un produit, et non pas après.

L’économie circulaire : Plan d’action pour un commerce de détail durable

Dans la nature, chaque élément a une autre utilité, c’est un système parfaitement efficace dans lequel il n’y a pas d’excès ni de déchets. C’est l’essence même de la circularité en entreprise : chaque matériau et chaque action alimentent la suite, ce qui permet au système de prospérer.

 À quoi ressemble une entreprise circulaire?

Systèmes en boucle fermée : ceci est rendu possible par de nouvelles technologies ou des partenariats reflétant les relations réciproques qui existent dans la nature. En effet, les entreprises de différents secteurs peuvent échanger des sous-produits pour s’entraider et maximiser leur croissance.

Par exemple, les torréfacteurs peuvent fournir leur marc de café usagé à des marques de cosmétiques pour la création de gommages, à des exploitations agricoles pour du compost ou à des entreprises qui fabriquent des teintures naturelles, des engrais ou des produits de nettoyage. Ce type de collaboration permet de réduire les déchets, de mettre en place des chaînes d’approvisionnement locales ou d’avoir de nouvelles sources de revenus, tout en imitant la logique en boucle fermée des écosystèmes prospères de la nature.

Crème Boulangerie Pâtisserie incarne cet état d’esprit. Fondée par une boulangère et une pâtissière qui souhaitaient réduire le gaspillage alimentaire, l’entreprise utilise la drèche d’une brasserie voisine dans ses produits de boulangerie et collabore avec des agriculteurs locaux pour valoriser leurs surplus de production.

Voici d’autres exemples de stratégies d’économie circulaire dans le commerce de détail :

Les programmes de recyclage invitent la clientèle à retourner les produits usagés pour qu’ils soient recyclés, réparés ou remis à neuf, ce qui prolonge la durée de vie des produits et réduit les déchets.

  • Pour sa marque de cosmétiques Quo Beauty, Pharmaprix a lancé un nouveau programme de recyclage gratuit. Grâce à un partenariat avec TerraCycle, les consommateur·trices à travers le Canada peuvent retourner leurs contenants vides pour qu’ils soient recyclés. Pour chaque livre de déchets collectés, un dollar est remis à la Fondation Pharmaprix pour la santé des femmes (Shoppers Foundation for Women’s Health). Une belle initiative qui combine durabilité et engagement social.

Les modèles qui misent sur l’utilisation d’emballages réutilisables contribuent également à réduire les déchets et les émissions tout au long de la chaîne d’approvisionnement.

  • Meemoza, une marque de mode éthique basée à Montréal, favorise la réutilisation des matériaux en réutilisant des enveloppes récupérées pour les envois postaux, et des housses réutilisables ou des boîtes récupérées pour les livraisons en magasin. Ces changements, petits, mais délibérés, sont le reflet d’une vision axée sur la circularité, afin de réduire l’empreinte environnementale de la marque.

Les étapes à suivre pour adopter des pratiques circulaires

La circularité ne devrait pas être une caractéristique extraordinaire, elle devrait être la norme. Si la nature est en mesure d’être circulaire, les entreprises le peuvent aussi.

L’écoblanchiment : pourquoi le développement durable n’est-il pas un outil de marketing?

Faire la promotion de solutions superficielles et temporaires, comme des lignes de produits « verts » ou l’adoption d’emballages respectueux de l’environnement, sans s’attaquer à des problèmes systémiques plus profonds, c’est risquer de tomber dans l’écoblanchiment. Ces gestes peuvent indiquer un progrès, mais ils ne suffisent pas à induire un véritable changement. Le développement durable doit être un cheminement, pas une case à cocher. Il est possible de commencer modestement, mais les marques doivent poursuivre leurs efforts en s’engageant à long terme, en faisant preuve de transparence et en prenant des mesures dans l’ensemble de leurs activités.

Voici des solutions tangibles :

  • Fournissez des données mesurables et précises pour appuyer vos affirmations en matière de durabilité. Plutôt que de faire des déclarations vagues comme « respectueux de l’environnement », indiquez des données précises. Par exemple : « fabriqué avec 80 % de matériaux recyclés » ou « réduit la consommation d’eau de 30 % par rapport aux modèles précédents ». En faisant preuve de clarté, vous éviterez le piège de l’écoblanchiment et renforcerez le sentiment de confiance envers votre marque.
  • Certifiez vos produits et/ou vos pratiques organisationnelles. Les certifications reconnues comme Ecocert, B Corp, Cradle To Cradle ou Fairtrade attestent les efforts déployés par les entreprises et garantissent le respect d’un ensemble de normes établies. Choisissez les certifications adaptées à votre secteur d’activité pour garantir leur pertinence et leur impact.
  • Concentrez-vous sur l’authenticité de vos démarches plutôt que sur un marketing qui attire l’attention. Privilégiez la transparence, informez la clientèle sur les raisons qui motivent l’adoption de pratiques durables (comme la réduction des emballages ou l’offre de service de réparation), et montrez les progrès accomplis, sans nécessairement viser la perfection.
Vers un avenir circulaire

Les leçons à tirer de la nature

La nature a toujours été une source inépuisable de savoirs. Son rythme circulaire de renouvellement et de régénération peut nous inspirer à concevoir des modèles d’affaires qui prospèrent sans nuire à notre planète.

Le développement durable n’a pas besoin d’être un objectif difficile ou coûteux s’il est mûrement réfléchi. En revanche, l’ignorer ou s’en remettre à des solutions superficielles peut s’avérer bien plus coûteux à long terme. Les changements climatiques provoquent déjà des perturbations dans le secteur du commerce de détail au Québec. Parallèlement, de nouvelles réglementations, comme le Règlement sur la récupération et la valorisation de produits par les entreprises – basé sur le principe de la responsabilité élargie des producteurs (REP), resserrent les délais de mise en conformité. Les entreprises qui tardent à s’adapter s’exposent à de lourdes amendes, et devront effectuer les changements opérationnels nécessaires de manière précipitée.

Le secteur du commerce de détail ne sauvera pas la planète à lui seul, mais il peut réduire considérablement l’empreinte écologique de notre société et favoriser la régénération des écosystèmes dont nous dépendons. Et si l’adoption de pratiques durables ne garantit pas à elle seule la prospérité d’un commerce, en faire une valeur fondamentale peut améliorer votre capacité à vous adapter, à innover et à relever les défis environnementaux de demain avec résilience et détermination.

Après tout, ce ne sont les pas les plus forts qui survivent le mieux, mais ceux qui s’adaptent. Inspirez-vous donc de la nature, qui évolue, se régénère et continue de croître.

Sources :

Point de vue de la relève

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