Le Groupe Multi Luminaire, une histoire de générations

Cet article est le deuxième d’une série de portraits de détaillants membres du Conseil québécois du commerce de détail (CQCD). Ce projet repose sur notre envie de vous faire découvrir l’histoire de nos commerces de détail, de propriétaires et d’entrepreneurs tous aussi inspirants les uns que les autres. Ils nous présentent leur quotidien, leurs bons coups et leurs défis.

Le Groupe Multi Luminaire Inc. – Ce détaillant, qui se définit avant tout comme une entreprise familiale québécoise, opère un réseau de franchises et des magasins corporatifs au Québec et en Ontario, en plus d’un site Web transactionnel pour tout le pays. Chef de file dans l’industrie de l’éclairage depuis 45 ans, l’entreprise est en constante évolution, afin de s’adapter au marché de détail.

C’est en 1978 qu’André Patry, alors chef de département d’éclairage chez Sears, et son collègue de l’époque, décident de devenir associés. Chacun ouvre donc un petit magasin dans sa ville natale respective, soit Victoriaville et Shawinigan, sous le même nom.

Quelques années plus tard, une première franchise est née et l’intérêt s’est développé pour plusieurs autres. C’est ainsi que Multi Luminaire est devenu une bannière.

En 2000, André Patry a acheté la part de son associé. Peu de temps après, Charles, son fils, a rejoint l’entreprise et ensuite, ce fut le tour de sa fille, Catherine.

Très jeune, Catherine jouait dans le magasin familial, même le dimanche, journée où les commerces étaient fermés à l’époque. Son père et sa mère, qui avait quitté son poste d’infirmière, y travaillaient six jours par semaine.

Étudiante, Catherine y a travaillé un peu, mais a aussi occupé des emplois dans d’autres entreprises. Il y a toujours eu cette possibilité de reprendre un jour le commerce de son père. Toutefois, il n’y a jamais eu, avant tard dans son parcours ou celui de son frère, une discussion à savoir s’ils étaient intéressés par cette option. Pour Catherine, il était avant tout important d’avoir son propre parcours académique et ses propres expériences de travail. Elle porte d’ailleurs le titre de comptable professionnelle agréée et a déjà travaillé en cabinet. En évoluant dans des firmes de vérification, elle a pu connaître divers types d’entreprises. Ce parcours, qu’elle ne regrette aucunement, lui sert toujours. Son frère, plus jeune qu’elle, a plutôt fait des études en gestion de commerces.

Et puis, un jour, une conjoncture a fait en sorte que Catherine a dû décider si elle souhaitait ou non se lancer dans l’aventure familiale. Un saut qu’elle a fait en 2005. Le processus de transition intergénérationnel s’est déroulé sur environ dix ans. Une période qui avait été fortement conseillée à son père. En effet, au Québec, seulement 30 % des entrepreneurs de deuxième génération réussissent à conserver et faire prospérer l’entreprise familiale. Selon Catherine, les pronostics sont encore pires pour une troisième génération. On parle alors d’un faible 10 % de réussite.

Son frère et elle ont ainsi occupé tous les postes de façon très progressive : en entrepôt, conseiller à la vente, gestionnaire de plancher, etc. Catherine se dit très chanceuse d’avoir eu autant de liberté dans le processus. Son père lui disait : « tu dois essayer et apprendre de tes erreurs; je ne pourrai pas toujours être là, alors il faut que tu prennes les devants et que tu décides. » Il a toujours été présent comme mentor, les accompagnant tranquillement dans leur cheminement, vers la transition complète.

Selon Catherine, « un des défis à porter le nom de famille du propriétaire est qu’on doit être meilleure pour prouver sa valeur, car les gens ont le sentiment de favoritisme ». Une croissance de l’entreprise, à laquelle elle et son frère ont participé, est toutefois venue faciliter cette transition.

S’il y a eu parfois quelques frictions tout à fait normales, ce passage s’est bien déroulé. Pour cette cheffe d’entreprise, être de la deuxième génération a une valeur bien particulière. Elle est fière qu’ils aient réussi pour la continuité de l’entreprise. Elle l’est surtout de la façon dont ils ont su le faire en famille, en se respectant et en restant unis (lorsqu’elle en parle, on voit les étoiles dans ses yeux). Ses parents étant à la retraite depuis quelques années, Catherine et Charles prennent aujourd’hui pleinement les décisions pour Multi Luminaire.

Leur liste d’environ soixante-quinze fournisseurs évolue toujours, mais ils sont aussi très fidèles envers ces derniers. Par exemple, le premier qui a voulu vendre à son père en 1978 est encore parmi les plus importants aujourd’hui. Ils essaient d’abord d’encourager les fournisseurs québécois, puis canadiens. Quelques-uns viennent également des États-Unis ou d’Europe.

Dans un souci d’uniformité, ils imposent, à titre corporatif, certains fournisseurs ou collections à leurs franchisés. Par contre, les marchés diffèrent énormément selon la clientèle de chacun des magasins. « En Ontario, dans l’Ouest-de-l’Île ou à Lévis, par exemple, les produits demandés sont souvent très différents. Le franchisé a donc aussi la liberté de faire ses choix et d’avoir d’autres fournisseurs ».

Une grande particularité du Groupe est que la plupart de leurs franchisés le sont depuis plus de 30 ans. Pour ces derniers aussi, il s’agit donc maintenant des deuxièmes générations qui les opèrent.

Ceux-ci sont complètement indépendants, s’occupant eux-mêmes de leurs approvisionnements, de leurs commandes, etc. L’entreposage se fait également dans chacun des magasins. Ils organisent toutefois souvent des rencontres, la plupart en présentiel, pour le plaisir de se voir et créer une chimie. Ils font aussi leurs achats annuels au Texas, tous ensemble. Quand ils ont une idée, ils consultent leurs franchisés, en collégialité. Ce qui fait qu’un client allant en magasin corporatif ou chez un franchisé ne verra pas vraiment la différence.

Dans leurs magasins, tout est standardisé au niveau de l’achat, mais tous les produits sont envoyés dans les succursales. Il n’y a donc aucun entrepôt distinct appartenant au Groupe. Même pour les achats en ligne, les commandes sont expédiées par un des magasins corporatifs. Étant donné leur grande superficie, chacun contient un entrepôt, le plus grand étant de 6 000 pieds carrés!

Mais quelle est donc la clientèle de ce grand détaillant? Leur Persona est une femme (bien que le conjoint soit présent pour le magasinage final) , mère de famille, entre 35 et 65 ans, propriétaire, universitaire et ayant un revenu familial supérieur à 100 000 $. Auparavant, leur clientèle était plus jeune (dès 25 ans), mais depuis que l’accès à la propriété s’est complexifié, un changement s’est effectué. Même chose pour la génération des baby-boomers. Il y a quelques années, ces derniers ne redécoraient pas leur maison après l’avoir mise à leur goût. Ce n’est plus le cas aujourd’hui!

Chez Multi Luminaire, il y a aussi une clientèle d’entrepreneurs et de designers. Pour les premiers, leurs demandes se font souvent par courriel d’après les propositions des architectes. Quant aux designers, chacun fonctionne différemment. Certains ne se déplacent jamais en magasin, alors que d’autres viennent avec tous leurs clients. Le Groupe s’adapte donc en étant présent pour les servir ou en les mettant en communication avec des chargés de projet, qui feront le suivi avec eux par courriel.

Avant tout, le site Web du Groupe est une vitrine pour leurs produits, mais les clients peuvent également y trouver de bons conseils. « L’éclairage est souvent très peu prévu dans un projet de rénovation ou décoration. Il s’agit souvent d’un achat de dernière minute. Pourtant, dans un tel projet, il peut tellement accentuer tous les beaux objets et matériaux que le client a choisis! » déclare Catherine. Le site permet donc au client de bien s’informer (ex. : le fonctionnement des gradateurs ou la hauteur d’installation). Également de présélectionner des modèles qu’il souhaite voir en magasin pour s’assurer de la taille et autres.

Le site est transactionnel depuis 2011. Le commerce en ligne ayant explosé depuis la pandémie, ils étaient contents d’avoir amorcer ce virage avant celle-ci. Le fait d’en être déjà à une cinquième version améliorée, avec de bons outils et l’habitude de gérer les commandes en ligne (contrairement à beaucoup d’autres détaillants de l’époque qui n’avaient pas encore développé ce genre de site) a vraiment été un atout lors de cette crise dans le secteur. Au total, six personnes s’occupent à temps plein de répondre aux clients et de maintenir le site à jour. Ceci représente beaucoup de travail, d’autant plus que 8 000 produits d’éclairage et de décoration s’y retrouvent!

Quant à leurs articles de blogue, ils aident ce détaillant pour le référencement en ligne. En tapant une question sur l’éclairage, leur site ressort souvent dans les moteurs de recherche avec la réponse appropriée. Ils soutiennent également le service à la clientèle Web, qui se réfère à ces écrits pour mieux répondre aux clients.

En plus des valeurs familiales qui guident ce détaillant, l’implication sociale et l’engagement écologique s’y démarquent également.

« Nous choisissons de nous impliquer dans des causes qui nous ont touchés personnellement, au corporatif ou dans nos franchises. Étant sensibles à ce que vivent les gens autour de nous, nous tentons de nous impliquer le plus possible. » Pour le Groupe Multi Luminaire, il est de la responsabilité d’une entreprise de de redonner à la société. Les franchisés peuvent aussi s’impliquer ou choisir des causes différentes.

Par exemple, pendant quatre ans, ils se sont mis ensemble pour créer un projet et amasser des fonds. Avec l’aide des Gouverneurs de l’espoir, ils ont financé deux chambres à l’Hôpital Sainte-Justine pour les enfants et leur famille. Mais, chaque année, c’est différent. Ils supportent encore les Gouverneurs de l’espoir, mais maintenant aussi pour la neurologie. Ils ont perdu un collègue l’an dernier à la suite d’un cancer du cerveau. Depuis, ils ont encore plus de raisons de supporter la cause pour soutenir la recherche pour ce type de cancer.

De plus, bien qu’ils ne soient pas fabricants et se sentent parfois limités dans leurs actions, ils tentent de faire au mieux pour l’environnement. « Choisir un carton plus mince, mais qui ne protégera pas le produit, n’est pas gagnant, puisqu’on gaspille plus. » Ils essaient tout de même que lesdits emballages soient en carton pour pouvoir être recyclés. Ils optent pour des sacs à bulles au détriment des styromousses, car ceux-ci se recyclent également et il n’y a plus de publicité en format papier.

Aussi, comme les sacs réutilisables sont plus dommageables s’ils ne sont pas réutilisés, ils les remplaceront sous peu par une languette autocollante, qui se collera directement sur la boîte pour créer une poignée. Bref, ils essaient de toujours avoir cet enjeu en tête, dans tous les petits gestes les plus anodins. L’impression des factures recto verso, pour ne remettre qu’une feuille aux clients, en est un autre exemple.

À la question, « quels sont vos principaux enjeux actuels? », Catherine répond : « Bien sûr, la pénurie de main-d’œuvre, comme tout le monde ». Toutefois, la culture de l’entreprise et ses valeurs familiales font en sorte qu’ils réussissent malgré tout à avoir une grande rétention auprès de leurs employés.

Par ailleurs, leur premier gros enjeu est technologique. Il est lié au fait que beaucoup de leurs produits peuvent se commander avec diverses spécificités (ex. : grandeur, couleur, degré de cristal). Ces nombreuses options font qu’au niveau du point de vente et du logiciel de vente, ils se retrouvent un peu dans une impasse. En effet, à moins de les payer très cher, ceux-ci ne conviennent pas. Multi Luminaire, comme plusieurs magasins de meubles aux prises avec la même réalité, travaille donc à partir d’un très vieux logiciel. Pour le rendre plus efficace, ils doivent se construire un portail distinct, qui prend les données et refait le tout.

Ils se sont donc lancés, depuis plus d’un an et malgré les réticences reçues, dans l’autoconstruction d’un point de vente. Avec le manque de main-d’œuvre, ils doivent se servir des atouts technologiques à leur portée et automatiser certaines tâches pouvant être complétées par un ordinateur. Il s’agit d’un gros défi, mais ils en étaient, au moment de l’entrevue, à 50 % de sa réalisation. Ils souhaitent le mettre en œuvre en 2024. Catherine a bien hâte de voir tout ce que cette innovation leur apportera!

Un autre des enjeux de l’entreprise est de maintenir à jour tous les nouveaux produits sur le site. Ceci a été plus difficile au moment de la pandémie. Ce faisant, ils arrivent à mieux répondre aux clients, en considérant les nombreuses ruptures de la chaîne d’approvisionnement. « Pour le site Web et les magasins, c’est toujours en évolution! ». Ils font, deux fois par année, des cycles d’achat où leurs fournisseurs leur présentent des nouveautés.

Selon Catherine, le marché du Québec est saturé. Dans les années passées, il y a eu jusqu’à 22 boutiques et il y avait donc beaucoup de petits magasins très locaux. Maintenant, ils ont davantage de grandes surfaces dans les grandes villes. Un choix fait après que les quincailleries aient commencé à vendre également des luminaires. Les perspectives reposent donc sur de nouvelles succursales en Ontario. En 2018, ils ont réussi à obtenir leur nom de commerce en anglais Multi Lightning. Ils travaillent donc à développer le marché de l’Ouest et de Toronto.

Aussi, le commerce de détail étant en grand changement, ils développeront possiblement un nouveau concept pour leur magasin de Toronto. Un dossier à suivre! « Mais, ce sera seulement après avoir un bon logiciel qui fonctionne et qui améliore l’efficacité. Voilà pourquoi il s’agit de notre objectif pour 2024 et ensuite… on pourra avoir de plus grands développements. »

Si c’est André Patry qui est devenu membre du CQCD à l’époque, pour Catherine et son frère Charles, ce n’est jamais un questionnement quand vient le temps du renouvellement, puisqu’il leur est naturel d’en faire partie. Ils profitent des communications, de l’effet de communauté, de l’événement annuel où ils vont avec tous leurs franchisés et duquel ils ressortent avec plusieurs idées. Ils apprécient aussi être souvent consultés sur divers sujets et enjeux.

^{Article rédigé par Geneviève Duval à la suite d’une entrevue réalisée en février 2023 avec Catherine Patry, coprésidente du détaillant Le Groupe Multi Luminaire.}