Le « quick commerce », une tendance du commerce en ligne en plein essor ou en déclin ?

Quick commerce - Flink
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Au cours de la dernière décennie, le commerce en ligne s’est installé durablement dans les habitudes des consommateurs, autant au Québec qu’ailleurs. Selon une enquête NETendances récente, 75 % des adultes québécois ont réalisé personnellement au moins un achat sur Internet en 2021, avec un montant total des achats en ligne effectués de 16,1 milliards de dollars (+30 % depuis 2019). Même si la pandémie a accéléré l’essor du commerce en ligne, il est difficile d’imaginer un retour en arrière ou du moins une décélération rapide. Cet essor favorise même l’apparition de tendances ou de phénomènes visant à répondre aux attentes de consommateurs de plus en plus exigeants.

La logistique du commerce en ligne : un besoin d’immédiateté

livraison rapide

Afin de répondre à ces attentes, les détaillants se sont adaptés en utilisant la livraison comme un avantage concurrentiel. Certaines marques misent sur la gratuité de la livraison et d’autres sur la rapidité pour augmenter leurs ventes en ligne, rarement les deux. Que ce soit la livraison, le jour-même ou le lendemain, popularisée par le service Prime d’Amazon, de plus en plus de marques s’associent à des services de livraison rapide afin de se démarquer. Au Canada, on peut notamment penser à Altitude Sports, détaillant en ligne, qui s’est associé aux services de livraison Expedigo et Boxknight afin de pouvoir assurer la livraison, le jour même ou le lendemain.

S’inscrivant dans ce besoin d’immédiateté, le « quick commerce » est une tendance en plein essor un peu partout dans le monde, qui a gagné de plus en plus d’adeptes lors des confinements successifs de la pandémie et du télétravail, notamment chez les générations Z et les milléniaux. Ce modèle de livraison d’épiceries à la demande met l’emphase sur la livraison ultra-rapide, généralement de 10 minutes à 1 h après avoir effectué une commande en ligne.

Des entreprises et des jeunes pousses innovantes opérant uniquement dans ce créneau ont vu le jour aux quatre coins de la planète et ont obtenu des investissements record pour développer leurs marchés que ce soit aux États-Unis avec Gopuff et Jokr, en Europe avec Gorillas, Flink, Cajoo ou hors U-E (Jiffy, Dija, Gettir, Zepto, etc.).

Des « magasins fantômes » et des « microcentres de distribution » dans les centres urbains

Une des pierres angulaires du « Quick commerce » repose sur la présence de « magasins fantômes » (dark stores) ou des «microcentres de distribution» directement dans les centres urbains et les régions à forte densité, afin de favoriser la desserte rapide du plus grand nombre de consommateurs, dans un rayon de 2 KM généralement. Ces « magasins fantômes » sont des surfaces de ventes non ouvertes au public et dont toute l’organisation et le classement de produits sont optimisés afin d’assurer la livraison rapide de commandes effectuées en ligne.

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Vidéo promotionnelle – Skip Express Lane

Au Canada, l’entreprise SkipTheDishes a annoncé fin décembre, vouloir ouvrir 38 magasins fantômes à travers le Canada de son « Skip Express Lane » pour assurer la livraison rapide de ses propres produits d’épicerie. Marché Goodfood a commencé à offrir un service de livraison d’épicerie en 30 minutes à Montréal et Toronto grâce à ses nouveaux «microcentres de distribution ». En France, Carrefour s’est associé à Uber Eats et Cajoo afin d’assurer la livraison de 2000 produits en moins de 15 minutes dans Paris et sa proche banlieue. Le service Carrefour Sprint sera étendu dans 5 autres villes en France : Bordeaux, Lille, Lyon, Montpellier et Toulouse. Aux États-Unis, Walmart et Target ont transformé certains de leurs magasins en « microcentres de distribution ». Le cas de Target est particulièrement intéressant puisque celui-ci mise sur une approche hybride où une partie de son magasin reste ouverte aux consommateurs et l’autre partie qui a été fermée sert désormais de « microcentres de distribution » pour les commandes en ligne. Ce modèle est bien sûr viable uniquement pour les magasins qui sont situés dans les centres urbains et les régions à forte densité, condition sine qua non pour que le modèle du « quick commerce » fonctionne.

À date, ce modèle reste exclusif au secteur alimentaire et aux produits essentiels de tous les jours. À noter qu’il ne vise pas à combler l’ensemble des besoins des consommateurs lorsqu’ils font leur épicerie du mois. Il évolue en complémentarité et se positionne comme un service à la demande, qui permet de couvrir des besoins ponctuels pour quelqu’un qui cherche de la flexibilité et de l’immédiateté.

Quel impact environnemental et sociétal ?

Le commerce en ligne est souvent décrié pour la pollution qu’il engendre lors de la livraison du dernier kilomètre (circulation de camions dans les centres urbains, suremballages, etc.). En ce qui a trait aux moyens de transport pour assurer les livraisons, les entreprises qui font du « quick-commerce » utilisent généralement des véhicules à deux-roues afin de favoriser la circulation rapide et d’éviter les embouteillages des centres urbains.

S’adressant à des générations de jeunes professionnels connectés et éco-conscients, ces entreprises n’hésitent pas à mettre de l’avant leur bilan environnemental et l’écoresponsabilité parmi leurs valeurs clé d’entreprise : parcs de véhicules électriques à deux-roues, lutte contre le gaspillage alimentaire, sacs et hottes de livraison en matières recyclés, objectifs de carboneutralité, etc. Toutefois, il y a quelques bémols que ce soit au niveau de l’impact environnemental ou sociétal du « quick commerce ».

© Gorillas

Un article de La Conversation soulève divers enjeux sur ce modèle en France, dont « les nuisances liées aux mouvements et au stationnement des livreurs pour les riverains » et « une surutilisation des infrastructures cyclables et de voirie ». On parle également dans cet autre article, des enjeux d’urbanisme provoqués par la multiplication de magasins sans devantures en plein centre-ville et une concurrence déloyale à l’égard des commerces de quartier.

Hors le contexte de la pandémie, le modèle du « quick commerce » a-t ‘il encore de beaux jours devant lui ? Pour les jeunes pousses qui évoluent dans ce secteur, l’argent reste le nerf de la guerre, en témoigne les levées de fonds record des entreprises citées plus haut dans l’article. À savoir si c’est un modèle qui peut être pérenne et rentable dans le contexte économique actuel, l’avenir nous le dira. Plusieurs acteurs ont été confrontés à des coupures (Gorillas), voir des faillites (Buyk, Fridge No More).

Il n’est pas impossible qu’on assiste à une forte consolidation dans ce secteur. D’ailleurs les acquisitions se succèdent les unes après les autres. Getir a racheté la jeune pousse britannique Weezy fin 2021, Gorillas a racheté le français Frichti en début d’année. En rédigeant ces lignes, nous venions d’apprendre que la jeune pousse allemande Flink venait d’acquérir un des leaders de ce secteur en France, Cajoo.

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