Les frais transactionnels de cartes de crédit, un enjeu important pour le commerce de détail

Un peu de contexte

Les effets de la pandémie de COVID-19 sur le commerce de détail sont évidents. Ceux-ci ont changé de façon durable la façon dont les opérations dans l’industrie ont cours. Le changement le plus significatif est l’augmentation prononcée du commerce en ligne. Lors de la première vague, le commerce en ligne a progressé de 50 % et plus en un mois et cette croissance, bien que moins rapide aujourd’hui, s’est maintenue depuis. Malheureusement, malgré la qualité de plusieurs sites transactionnels québécois, cette croissance est parfois au bénéfice de concurrents qui n’ont pas d’activités physiques au Québec.

Du point de vue des ventes, chaque vague a rompu le rythme de croissance naturel de celles-ci dans le commerce de détail, qui dépassent maintenant 120 milliards de dollars annuellement au Québec. Pour la première vague de fermetures des commerces non essentiels en 2020, les pertes estimées par rapport aux ventes normales sont près de 9 milliards de dollars. Nous ne connaissons pas encore les effets financiers des contraintes actuelles au commerce mises en place en décembre 2021, mais nous présumons qu’ils seront d’un niveau semblable.

La perte des ventes est vécue différemment selon les sous-secteurs du commerce de détail. Si, en général, les ventes sont revenues à un niveau plus élevé qu’en février 2020, les secteurs comme celui des appareils électroniques et ménagers, ainsi que les vêtements et accessoires vestimentaires, tardent à reprendre leur rythme de croissance régulier, ce qui pourrait mettre en péril la pérennité de certaines entreprises du secteur.

Une inflation galopante

Un des impacts sous-jacents à la reprise post-COVID-19 est l’émergence de l’inflation au Canada et au Québec. Les prévisions d’octobre 2021 de la Banque du Canada, de l’ordre de 3,4 %, sont en soi élevées, mais reflètent la tendance forte observée dans les magasins.

Les contraintes diverses sur la chaîne d’approvisionnement sont nombreuses : pénurie de main-d’œuvre qui augmente les salaires, pénurie chez les travailleurs dans le camionnage et les transports ferroviaires qui augmente les coûts de transport, contraintes dans le transport maritime qui ont débouché sur une explosion du coût des conteneurs et fermetures dans certaines régions du monde, liées aux mesures sanitaires.

L’ajout de ces contraintes et une augmentation des frais d’intérêt liée au fait que le taux d’endettement demeure élevé sont des risques assez inquiétants pour les détaillants du Québec. Selon nous, il y aura sans doute des interventions nécessaires dans l’économie pour s’assurer que les augmentations des prix envisagées ne soient pas dramatiques.

Le gouvernement fédéral doit réduire les frais de transaction des cartes de crédit à 0,5 %

L’explosion, puis la stabilisation du commerce en ligne coordonnées à l’utilisation des cartes de paiements comme la carte de crédit mettent une pression énorme sur les détaillants. Rappelons que l’utilisation des cartes de paiements, particulièrement la carte de crédit, n’est pas gratuite. Des frais, les frais d’interchange, sont chargés au détaillant pour l’utilisation de ces services. Généralement, ces frais représentent un pourcentage de la valeur de la transaction.

Il s’agit en fait d’une « taxe » privée déguisée qui pénalise les détaillants et leurs clients. Il serait naïf de croire que ces frais n’ont pas d’influence sur les prix des marchandises vendues en magasin, car ces frais s’ajoutent sur les coûts d’opération du détaillant. Dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, il s’agit d’une autre pression à la hausse des prix chargés dans le commerce de détail réduisant d’autant la compétitivité des détaillants au Québec.

Si ces frais existent pour la carte de débit, ils sont plafonnés et parmi les plus bas au monde. C’est tout le contraire pour les frais des cartes de crédit. Pour ceux-ci, le Canada partage malheureusement les plus hautes marches du podium. Les données suivantes sont compilées par la Fed de Kansas City aux États-Unis.

À près de 1 % pour les cartes « de base » et à 2 % des cartes « premium », ces frais sont substantiels pour les détaillants. La situation est pire pour le commerce électronique.

Rappelons que le Parti libéral du Canada s’était engagé en 2019 à mettre fin aux frais de transaction prélevés sur le montant de la TPS/TVH lors des transactions effectuées par carte de crédit. La « double imposition » sur les transactions à crédit doit cesser. De plus, cet enjeu a été mentionné comme devant être étudié par le gouvernement fédéral dans le dernier budget. Nous avons d’ailleurs déposé une position claire à ce sujet lors de ces consultations.

frais de transactions des cartes de crédit

Les frais d’interchange : un enjeu de compétitivité

Le Conseil québécois du commerce de détail (CQCD) croit toujours urgent que le gouvernement fédéral limite les frais de transaction par carte de crédit pour permettre aux détaillants de réduire leurs coûts et participer à une reprise forte. Le taux moyen, qui est passé à 1,4 % au Canada en mai 2020, devrait sans attendre être réduit près du niveau européen, soit 0,5 %. D’ailleurs, le taux européen, réglementé, est maintenant plus bas que 0,5 %. Ces derniers ont réussi à plafonner ces frais à des niveaux réduits depuis le milieu des années 2000. Considérant que ces mesures sont du ressort du gouvernement fédéral canadien, nous souhaitons voir une pareille mesure inscrite au prochain budget.

Les frais d’interchange : un enjeu social

Les émetteurs de cartes de crédit ne manquent pas d’originalité pour lancer de nouvelles cartes « Élite ou Privilège » dont le taux est le double parfois de celles dites « de base ». Les frais des cartes de base servent, selon notre analyse, à financer les avantages que les cartes élites offrent à leurs clients.

Il s’agit d’un transfert d’avantages de clients moins en moyen vers une clientèle qui l’est plus.

De plus, les frais d’interchange sont même chargés sur les transactions qui concernent les dons et commandites, pénalisant aussi les organismes de charité. Ces ponctions cachées sont faites au détriment de causes sociales nécessaires.

Le Conseil québécois du commerce de détail (CQCD) croit que le gouvernement devrait plutôt favoriser le principe de l’utilisateur-payeur et la transparence des frais associés à ces programmes. L’Union européenne estime que le plafond a fait sauver plus de 1,5 milliard d’Euros aux clients depuis que celui-ci est en place.

En lien avec les enjeux soulevés ici, le Conseil québécois du commerce de détail (CQCD) a émit deux demandes dans le cadre des consultations en prévision du budget 2022-2023 du gouvernement fédéral.

  • Recommandation 1 : Obliger les émetteurs de cartes de crédit à réduire les frais d’interchange à une moyenne maximale de 0,5 %.
  • Recommandation 2 : Éliminer les frais prélevés aux commerçants sur le montant de TPS/TVH lors de transactions faites par carte de crédit.

Nous avons également demandé au gouvernement du Québec de supporter notre demande auprès du gouvernement fédéral afin de réglementer les frais d’interchange, et que ces deux recommandations soit appliquées. Vous pouvez consulter nos 2 mémoires déposés dans le cadre des consultations prébudgétaires fédérales et provinciales pour l’année 2022.